Dépistage de la surdité (2020)

Satisfaction des mères vis-à-vis du dépistage systématique de la surdité du nouveau-né (2020)

Résumé

Contexte

« En France, le dépistage systématique en maternité de la surdité bilatérale (DSM) est obligatoirement proposé pour tous les nouveau-nés depuis le décret du 23 avril 2012. Ce dépistage s’organise en trois phases […]. L’objectif est de dépister précocement les nouveau-nés à risque afin de diagnostiquer les surdités bilatérales avant les six mois de l’enfant. Cela permettrait une prise en charge précoce limitant les retards d’acquisition du langage. […] En 2015, 41 946 enfants sont nés en Pays de la Loire. Environ 91 % d’entre eux ont bénéficié du DSM, dont 1,3 % sont sortis de la maternité avec un test non concluant bilatéral (aucune oreille n’a répondu correctement au test de phase 1). Parmi ces derniers, 3,5 % ont finalement été diagnostiqués sourds.

Bien que la stratégie de ce dépistage ait fait la preuve de son efficacité, on peut supposer que ce processus aboutissant à un possible diagnostic de surdité n’est pas sans conséquence sur l’inquiétude des parents vis-à-vis de l’audition de leur enfant. De nombreux professionnels de santé sont concernés par ce dépistage et doivent être en mesure d’informer et de répondre aux interrogations et aux inquiétudes des parents. Au moment de notre étude, aucune donnée française n’était disponible dans la littérature sur le ressenti des mères dès la première phase du dépistage. »

Objectifs

« L’objectif principal de l’étude était de connaître le ressenti des mères vis-à-vis de la première phase du dépistage, plus particulièrement la satisfaction, l’inquiétude et la compréhension qu’elles estimaient avoir du dépistage.

L’objectif secondaire était de connaître les facteurs extrinsèques au dépistage qui pouvaient influencer ce ressenti. »

Méthode

« L’étude s’est déroulée de juin à septembre 2015, dans quatre maternités volontaires des Pays de la Loire, une maternité de type 2A, deux maternités de type 2B et une maternité de type 3. Les mères ont été recrutées volontairement et anonymement. »

  • Critères d’inclusion : mères intégrant les services de suites de couches et ayant accepté le DSM sur leur nouveau-né, quel que soit le résultat final du test
  • Critères d’exclusion : mères dont le nouveau-né était transféré en néonatalogie, mères ayant refusé le test, questionnaires pour lesquels moins de la moitié des réponses avaient été remplies ont également été exclus
  • Questionnaire : créé spécifiquement pour l’étude, contenait 29 items, dont des informations concernant les mères, l’accouchement et le test effectué sur l’enfant. Les questions sur le ressenti étaient déclinées en trois axes : le premier sur leur inquiétude, le deuxième sur leur satisfaction, et le troisième sur leur compréhension du DSM.
  • Variables : variables graduées relatives à l’inquiétude des mères, à leur satisfaction et à leur compréhension : oui, tout à fait/plutôt oui/plutôt non/non, pas du tout. Pour chacun des trois axes, les questions ont été regroupées afin d’obtenir une évaluation globale.
  • Méthode statistique : variables qualitatives décrites avec des pourcentages, variables quantitatives avec des moyennes et un écart-type. Proportions comparées avec la méthode du χ2 ou le test de Fisher en cas de petits effectifs. Seuil de décision de p inférieur à 0,05. Analyse bivariée réalisée afin de déterminer les facteurs de risque pouvant favoriser l’inquiétude, l’insatisfaction ou une mauvaise compréhension du test. Analyse multivariée réalisée par un modèle de régression logistique.

Résultats

« Au total, 653 questionnaires ont été collectés, 23 ont été exclus car incomplets, soit 630 questionnaires analysés. […]

La majorité des mères (95 %) étaient de nationalité française. Parmi l’ensemble des mères, un quart d’entre elles étaient cadres (24,7 %), et 66,8 % avaient un emploi. Leur âge moyen était de 31 ans, et 39 % étaient primipares. En moyenne, les nouveau-nés pesaient 3 342 g et naissaient à 40 semaines d’aménorrhée. Plus d’un quart des mères interrogées vivaient en milieu urbain (28,1 %), et seules 2 % déclaraient avoir au moins une personne atteinte de surdité dans leur famille proche.

La majorité des mères a été informée des objectifs du test par les professionnels de santé (83 %) et 19,5 % par des brochures d’information. De plus, 21,3 % des mères estimaient ne pas avoir eu un temps de réflexion suffisant entre l’information reçue et le test. Cette durée n’a cependant pas été mesurée dans notre étude. […] Vingt pour cent des mères interrogées étaient inquiètes lors du test. En effet, 6 % étaient inquiètes au moment où elles recevaient l’information et 15 % au moment du résultat. De plus, parmi les mères dont l’enfant avait un test non concluant, 54 % étaient inquiètes vis-à-vis de son audition. Pour les mères dont l’enfant avait un test concluant unilatéral, cette proportion s’élevait à 44 %.

De façon globale, elles étaient presque toutes satisfaites (95 %) du DSM. […] Les mères ont bien compris comment était réalisé le test (94,6 %), soit 5,4 % qui ne l’ont pas bien compris. Cependant, 22 % des mères n’avaient pas compris qu’elles pouvaient le refuser.

Les analyses univariées et multivariées suggèrent que différents facteurs peuvent faire varier le ressenti des mères vis-à-vis du DSM. En effet, les femmes de nationalité étrangère, celles de catégories socioprofessionnelles autres que cadre et les primipares étaient les plus inquiètes. […] Cependant, à l’issue de l’analyse multivariée, seul le facteur de la nationalité étrangère ressortait significativement lié à une inquiétude se rapportant à l’information donnée. De façon globale, les mères étaient moins satisfaites lorsque plus de deux tests étaient effectués sur leur enfant (5,4 fois moins satisfaites) ou si elles estimaient avoir un temps de réflexion insuffisant (3 fois moins satisfaites) après ajustement.

De plus, les mères estimaient avoir mieux compris le test dans son ensemble lorsqu’elles avaient un emploi. Elles pensaient avoir mieux compris l’objectif du test si elles vivaient en zone urbaine et si elles n’étaient pas cadres ou assimilés. Enfin, elles comprenaient moins facilement qu’elles avaient le droit de refuser le test s’il s’agissait de leur premier enfant ou si elles avaient eu un temps de réflexion insuffisant. »

Conclusion

« D’après plusieurs études de la littérature, plus la compréhension des mères est bonne, moins elles sont inquiètes. Or, cette étude a montré que les professionnels de santé sont la première source d’information des mères. La formation des personnels impliqués dans le DSM doit donc être de préférence collective, répétée et standardisée. Elle devrait aussi insister sur l’importance d’un délai minimum de réflexion et sur une information la plus personnalisée possible pour chaque mère. La possibilité de refuser le test doit également être clairement exprimée. De plus, les résultats non concluants sur au moins l’une des oreilles induisant plus d’inquiétude, des explications plus poussées doivent être fournies aux parents concernés avant la sortie de la maternité, y compris si aucun contrôle n’est prévu (dans le cas des tests concluants unilatéraux).

Afin de prolonger ce travail, il pourrait être intéressant d’étendre l’enquête aux deuxième et troisième phases du dépistage. Cela permettrait de savoir si le niveau d’inquiétude et de satisfaction des mères reste constant au cours du temps. »

Liens et documents

Article publié : H. Nourry, J. Garcia, M. Olivier. Dépistage systématique de la surdité du nouveau-né : mesure de la satisfaction des mères dans des maternités des Pays de la Loire en 2015. Périnat 2020 ; 12:124-129. DOI 10.3166/rmp-2020-0091 (à retrouver ici)

Partager cette page sur :